Bienvenue à Binn el binin, lieu de recapture identitaire.
Ce site labyrinthique vous invite à naviguer au gré des liens cliquables qui vous attirent dans les méandres de ce que je crois être, aurais pu être, ne serais jamais. Entre les deux ballotté.es par les vagues, peut-être nous rencontrerons-nous pour une plongée partagée.
Ici, mon corps est suffisamment grand pour aller d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

La mer n’y est qu’une pierre de croûte continentale, sans limites juridiques, sociologiques, économiques ou géographiques. Il suffit de l’enjamber.
Je ne sais pas comment vous êtes arrivé·e là. peut-être que comme moi vous aussi vous errez en quête d’un habitat car vous avez grandi entre deux rives appartenant aux deux sans vraiment être d’aucune, fi kol blassa ne9setek 7aja. peut-être êtes-vous seulement curieuxe de découvrir une expérience de vie différente de la vôtre parce que vous savez que chaque expérience de vie est unique car située ?
Dans tous les cas je vais parler de moi parce que je ne comprends rien mais je ne pense pas être la seule personne à ne rien comprendre. Je pense que le moment est venu de rendre mon expérience personnelle digne d’un intérêt littéraire et scientifique pour paraphraser Maboula Soumahoro.
…
J’ai grandi dans l’enclave coloniale de l’école française qui a tout de la France sauf le droit à la citoyenneté. Une fois les portes du portail Bel Air fermées, nous étions comme des enfants français apprenant l’histoire de leurs ancêtres et la gloire de la République. Sauf que ce n’était pas nos ancêtres, ni notre République. Même les règles de bienséance tunisienne comme ne pas s’embrasser sur la bouche, ne pas manger ou boire dehors pendant ramadan, feindre de ne pas boire d’alcool devant ses parents, étaient abolies dans les rues voisinant l’école et le lycée.
J’ai grandi en Tunisie mais j’y étais en France.
enfin pas tout à fait, c’est là tout le problème
j’appelle ça Tunisie française même s’il y a beaucoup de gens que ça énerve.
Dès qu’on quittait cette zone, nous étions de retour en Tunisie dans un pays dont nous n’avions pas les codes, on traversait les frontières en quelques mètres.
Fi Tounes, je n’étais pas à ma place, manich fehma rou7i la3bed i9oulouli enti francissa, on nous appelait François Françoise et on disait de nous qu’on n’était pas comme elleux, makech kifna, ou makontech n7ess rou7i kifhom walla kifna ma3adech na3ref kima chkoun. Yodhhorli 7ad maychabah el7ad.
en France je croyais que j’allais tout comprendre, j’ai l’impression de tout comprendre, mais je dois faire la queue à la préfecture pour réunir les documents nécessaires au titre de séjour et il n’est pas exclu qu’un jour je me prenne une OQTF.
tout le monde me dit que c’est exclu, que les gens comme moi ne prennent pas d’OQTF, mais il paraît que des gens ont eu des OQTF en ayant des thèses donc l’angoisse me dévore. et puis je trouve ça injuste que des gens pas comme moi prennent des OQTF alors que j’aurais pu être comme elleux, que c’est le fruit du hasard qui fait que je suis qui je suis et d’autres qui iels sont, s’il y avait eu moins d’argent, moins de livres, moins d’amour peut-être que moi aussi je travaillerais au black pour un patron véreux après avoir traversé la mer sur un radeau de fortune et que tout le monde penserait que j’ai une tête à OQTF.
Les un·es me disent que je ne leur ressemble pas. les autres me disent que je ne leur ressemble pas. moi je trouve que je ressemble aux deux mais je crois que ça veut dire que je ne ressemble à personne.
Je ne comprends rien.
c’est vraiment épuisant d’osciller entre les rives, entre l’envie de tout cramer pour que les choses changent ou le désir de seulement moisir dans mon lit. en tout cas c’est souvent compliqué de savoir qui je suis d’où je viens où je vais.
somewhere
anywhere
everywhere
nowhere feels like home.
« Cette pierre, assurément, puisqu’elle n’est consciente que de son effort, croira être libre et ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu’elle le désire. Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. »
— Spinoza, Lettre à Schuler
ça fait beaucoup tourner en rond les désirs impossibles
