mon arrière-grand-père

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L’indépendance n’avait que 4 ans quand est né mon père. Trente-neuf ans plus tard, il m’inscrirait fel mission. Pourtant son grand-père s’était battu pour l’indépendance avait été résistant et avait fini par être emprisonné pour son implication dans le néo-destour, le parti indépendantiste tunisien. Je crois qu’il était du côté des nazis. Parce qu’ils n’étaient pas du côté de la France. Toutes les personnes âgées de mon entourage qui racontent leur souvenir de militantisme pour l’indépendance se rappellent qu’on amenait à manger aux soldats allemands. Donc ça ne serait pas surprenant que lui aussi il les ait aidés. Ce n’est pas ce que dit le mythe de ma famille. On me l’a raconté héroïque, père de douze enfants, resté veuf des années après la mort de sa première épouse, la mère de ma grand-mère pour que les trois enfants qu’il avait eus avec elle soient bien traités. Ni le récit qu’ont donné ses amis en guise d’élégie, le présentant comme un résistant héroïque et le poète préféré de Bourguiba, intervenant souvent lors de cérémonies officielles. L’histoire qui a été retenue est qu’il a été emprisonné par les Allemands, mais pourquoi l’auraient-ils fait ?

Je n’ai aucune certitude quant à son camp mais c’est à la conclusion honteuse qu’arrive mon cousin qui écume depuis des années les carnets que mon arrière-grand-père tenait quotidiennement. J’aimerais bien les lire moi aussi. Essayer de confirmer. D’infirmer. De comprendre. Mais mon arabe est trop mauvais pour déchiffrer son écriture. Je bute sur presque tous les mots. Rien n’a de sens.

On en est là. Au point Godwin. Bien plus inquiétant que le point médiant contre lequel les ministres sont prêt.es à partir en croisade.

Je ne sais pas quoi faire de mon héritage.

Mon inscription à l’école française me semble venir contrevenir à cette légende. En effet, comment faire sens de mon éducation hors sol, hors du sol tunisien qui m’a pourtant vue naitre et d’où on m’a arraché, sans jamais me laisser prendre racine autre part, quand on la confronte à cet homme qui a fait de la prison contre l’envahisseur français, celui-là même qui me ferait autre un demi-siècle plus tard ? On m’a transmis un héritage familial en contradiction avec la vie que l’on voulait que je mène. Et la crispation identitaire sur Dieu qu’a connue ma mère était le reflet de la peur originelle que je lui échappe, que je sois autre, ni arabe ni musulmane à l’issue de mon éducation à la française.

Je ne suis pas Arabe, mais nord-africaine, et je ne suis en effet plus musulmane même si l’on ne peut signaler son apostasie à personne dans cette religion qui ne connait pas d’intermédiaire entre Dieu et ses suivants. Toujours est-il, que je suis autre et que la transmission s’est faite sans faire sens, a laissé deux sillons contradictoires qui pour co-exister doivent le faire dans deux mondes parallèles qui se touchent sans jamais vraiment se mélanger, comme la Tunisie et la Tunisie française de mon enfance.