la fac

….

les partiels se passent de mieux en mieux au fil des ans

des orientations réorientations

désorienté.es

après 18 semestres à la fac

tous réussis sauf le premier

est-ce que je joue encore avec les mêmes règles que les autres

est-ce que je ne triche pas

parce que c’est devenu trop facile pour moi

trop facile de réussir

d’être major de promo

quand on a autant pris l’habitude

quand on le fait surtout pour les papiers

qu’on le dit à peine maintenant du bout des lèvres quand on réussit ah oui au fait j’ai encore 16 de moyenne qu’est-ce que ça change putain.

surtout que ça ne change rien

je suis toujours aussi précaire

*

Depuis que la préfecture. ses files d’attente. ses titres de séjour sont venus creuser le trou que le ver avait commencé. je suis gruyère de doutes.

Il s’immisce partout. Dans la vérification obsessionnelle des plaques chauffantes opérée au moment-même où le sommeil me gagne enfin. Dans l’idée persistante que je mourrais jeune d’un cancer fulgurant né des substances que j’ingère sans cesse pour faire taire le doute. Dans la certitude d’être profondément creuse et que s’il m’avait fallu advenir quelque part ce serait déjà arrivé. Après tout le club des 27 est là pour prouver la précocité du génie.

Vagues doutes revenant comme une ritournelle. Suffisamment ennuyeux pour gâcher toutes les expériences. Les teinter d’un voile d’échec. L’école a appelé mes parents à la dernière minute pour leur dire qu’on m’admettait au concours d’entrée à l’école française. On les a peut-être appelés si tard parce qu’on m’avait mis sur liste d’attente à l’origine. Peut-être que depuis le début je n’avais pas ma place. Je n’étais pas good enough. Que ça pavait déjà la route de l’absence de prépa, d’ENS, d’EHESS. Syndrome de l’imposteur. Sous ma carapace de diplômes trognon sanguinolent de mensonge.

Lettre à ma France